Y'a cette expression, "ni fait ni à faire". Gus Van Sant, il l'a fait, Last days, et plutôt bien fait dans un sens. Reste à savoir si c'était à faire.
Qu'on ne se méprenne pas : le film est cohérent, parfois très beau, et on l'imagine parfaitement en adéquation avec la vision du réalisateur (pour lequel il ne s'agit que d'une fiction inspirée de). Seulement, du coup, il est à peu près aussi attachant qu'Emile Louis. Aucune empathie, ce qui est bien sûr voulu - non seulement Van Sant n'avait pas envie de provoquer des suicides collectifs à la sortie des salles obscures, mais surtout c'est précisemment un des trucs que Cobain ne supportait pas, qu'on le prenne pour modèle, égérie ou symbole, de qui de quoi, va savoir, de rien peut-être, de la "blank generation" que chantait Richard Hell quinze ans plus tôt et qui revient à peu près à chaque génération, sans doute, arg, au secours, je n'arrive plus à finir cette phrase, aidez-moi bordel, vite, balancez-moi un point, vite, hop, merci, c'est bon, je l'ai, j'le pose, juste là.
Mais à force de se cogner contre la bulle isolant le héros, on en reste un peu en dehors du film. Kurt/Blake est mal, perdu, inadapté. Il commence par se casser la gueule en descendant un talus alors qu'il y a un escalier juste à côté, et finit par se casser la gueule (déjà refroidie) du brancard des ambulanciers ramassant son corps. Soit. On parvient souvent à sentir le vide, l'absurdité, le malaise, l'ennui (ça, on le ressent TRES bien parfois, faut reconnaitre), la fragilité face au monde externe ; mais ressentir ça pendant deux plombes ne laisse pas une grande impression et ne fait pas forcément un grand film. D'autant plus que le réalisateur reste toujours extérieur au héros, dans une sorte de neutralité embarassée. A titre d'exemple, les boucles temporelles, figurant sans doute le fait que le héros tourne en rond et à vide, n'apportent pas grand chose en dehors de l'effet de style.
Qu'en retenir ? Une poussée de nostalgie malsaine pour les anciens camés, peut-être, et encore. Perso, quelques souvenirs de sous-bois de ma campagne champenoise, qui, à 7 ans déjà, me parassait déprimante et vaguement inquiétante. Quelques drôleries quand même, d'autant plus efficaces qu'elles surnagent au milieu du naufrage du héros, quelques symboles lourdingues (les VRP cathos et leur discours sur le sacrifice du p'tit jésus, un brin too much), une chanson formidable, et l'apparition d'une Kim Gordon classieuse (là c'est le fan qui parle).
Sinon, Ian Curtis s'est pendu il y a 25 ans aujourd'hui.
Re-sinon, je pense à me racheter des caleçons, mais bon, rien n'est moins sûr, j'ai peur de m'engager à la légère.