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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 09:07

 

Marc Levy, Grand Corps Malade, Amélie Nothomb, Amanda Sthers, Francis Huster, c'est avec ça que le Salon du livre attire le chaland à grands coups de pute pub dans la presse. 
En même temps, c'est pas le salon de la littérature non plus, hein.
C'est comme quand tu cours les brocantes et les vides-greniers et que tu réalises que les plus grands auteurs français du 20ème siècle sont Paul-Loup Sulitzer, François de Closets et Pierre Bellemare.

 

 

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20 septembre 2010 1 20 /09 /septembre /2010 17:59

 

  

comme moi, le Fabrice Humbert qui avait écrit le très prometteur L'origine de la violence l'an passé n'est pas celui qui a commis l'affreux La fortune de Sila tout juste paru.
Pourtant c'est ce que la quatrième de couverture prétend, mais c'est un piège.
J'en veux pour preuve la bouillie du présent ouvrage, livre pseudo-choral sentencieux où les russes sont de gros oligarques corrompus qui se tapent des putes de luxe, où les traders de la City finissent par réaliser que l'argent est méchant et où les rednecks usent davantage de leurs poings que de leur cervelle.
Ah, aussi : les noirs courent vite.

 

 
Non, ça doit être un jumeau infernal, comme dans Confessions Intimes.

En attendant, si toi aussi tu as toujours envie de mettre un deuxième 'r' à 'courent', écris-moi.

 

 

 

 

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27 mai 2010 4 27 /05 /mai /2010 23:44

 

 


Dis donc, ça fait longtemps qu'on n'a pas parlé de la vraie vie.
J'veux dire, des livres.
J'ai fini les Venises de ce vieux saloupiaud de Morand, comme Morand ça commence bien, plein de vie et d'envie, et comme Morand ça finit en mode vieux con qui égrène ses regrets, émaillés parfois d'une jolie anecdote

 

Faut-il éclairer Venise au néon ? Les passéistes disent non ; les futuristes leur répondent : "Malgré vous, Saint-Marc resplendit sous nos projecteurs ; grand succès ; les touristes adorent ça." Les romantiques tiennent bon ; ils défilent ce matin sur la place, derrière une banderole blanche : "Nous voulons la lune."

 

Même époque ou presque, mais quelle jolie fraicheur désespérée, pour L'homme qui s'était retrouvé de Duvernois, aussi des nouvelles amies de Morrison, des contemporains fainéants (Je pense à toi tous les jours d'Hélèna Villovitch et Mari et femme de Régis de Sa Moreira, qui partait pourtant sur une bonne idée mais ne sait pas quoi en foutre) devant lesquels le premier jet d'Elise Costa n'a vraiment pas à rougir, et Toqueville, et quelques poèmes de Yeats.

 

One had a lovely face,
And two or three had charm,
But charm and face were in vain
Because the mountain grass
Cannot but keep the form
Where the mountain hare has lain.

 

 

 

 

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28 mars 2010 7 28 /03 /mars /2010 22:07
 
 
En quatrième on est enfin sorti du passage obligé Molière-Corneille-Racine pour s'attaquer à du moderne.
Enfin du moderne de collège.
Madame Bovary et le Père Goriot.
Autant la Bovary elle m'a plu de suite (mais je ne garantis pas que ça n'ait engendré aucun a priori sur la gente féminine), autant Goriot, hum. En plus c'est complètement con parce que Goriot c'est un putain de roman-carrefour, y'a beaucoup plus simple et linéaire chez Balzac, et puis le thème c'est quand même l'inconséquence des jeunes gens, donc donner ça à lire à des jeunes gens inconséquents, hein, explique-moi.
Mais bref, j'essaie de lire Goriot, quand un jour je tombe sur un résumé quelque part, et dans ce résumé ça parle du roman éponyme décrit comme vachement chouette (je ne me rappelle plus des épithètes exacts mais l'idée c'était ça, vachement chouette).
Donc j'ai été à la librairie chercher le roman "Eponyme" par Balzac.
Ils l'avaient pas.
 
 
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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 17:07
 
  
Toute ma vie j'ai fait le même rêve. C'est ce qu'on appelle un rêve récurrent ; il débouche toujours sur la même conclusion. Sauf le 9 octobre 2002. Le rêve a commencé comme d'habitude, dans un pays bas de plafond où tout le monde est obligé de ramper sur les mains et les genoux. Mais cette fois-ci je me suis rendu compte que tous les gens autour de moi faisaient l'amour, c'était une conséquence de la vie à l'horizontale. J'étais furieuse, j'ai essayé de séparer les couples, mais ils étaient collés les uns aux autres, comme des scarabées en train de s'accoupler. Et puis, soudain, je l'ai aperçu, Will. Dans le rêve, je savais que c'était une célébrité, mais je ne savais pas laquelle. Je me sentais très gênée parce que je savais qu'il avait l'habitude d'être entouré de jolies jeunes filles et qu'il n'avait probablement encore jamais vu quelqu'un comme moi. Mais petit à petit j'ai réalisé qu'il avait relevé l'arrière de ma jupe et qu'il enfouissait son visage entre mes fesses. Il faisait ça parce qu'il m'aimait. C'est une sorte de tendresse que je n'aurais jamais crue possible. Et ensuite je me suis réveillée. C'est comme ça que je terminais toutes mes histoires à l'école : Et ensuite je me suis réveillée. Mais ce n'était pas fini, car quand j'ai ouvert les yeux, une voiture est passée, dehors, avec la musique à fond, ce qu'habituellement je déteste, en fait j'estime que ça devrait être interdit, mais cette chanson était magnifique - les paroles disaient "Tout ce qu'il me faut c'est un miracle, tout ce qu'il me faut c'est toi". Ce qui correspondait exactement à la sensation dans laquelle le rêve m'avait laissée. Je suis sortie du lit et, comme s'il me fallait d'autres preuves, j'ai ouvert The Sacramento Bee, et là, dans la rubrique "Nouvelles internationales", il y avait un article sur la visite d'un HLM de Glasgow par le prince Charles, voyage qu'il avait fait avec son fils, le prince William Arthur Philip Louis. Une photo illustrait l'article. Il avait exactement la même tête que lorsqu'il l'avait enfouie dans mes fesses, la même charmante blondeur, la même assurance, le même nez.

Miranda July, No one belongs here more than you
 
 
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12 mars 2010 5 12 /03 /mars /2010 09:29

 
 
Et pour une fois je n'ai pas écrit au lit j'ai lu en fumant au lit, elle m'a fait plaisir cette envie subite de fumer au lit, je ne saurais pas dire pourquoi mais elle m'a fait plaisir, je n'avais pas sommeil ça m'a aidé, la clope c'est comme le café juste avant de dormir ça aide mais une heure avant ça empêche, toujours ce foutu timing, et comme en plus j'ai l'habitude de choisir mes cafés à la couleur de la dosette, selon l'humeur, des fois je m'enfile trois décas le matin sans bien comprendre pourquoi ça ne décolle pas mes paupières et des fois je m'enfile trois pas-décas le soir et c'est malin, la journée avait été bonne bonne je l'avais retrouvé et il était ravi de sa chambre toute neuve, surtout l'armoire de l'armée de l'air et le grand tapis Union Jack, et en fumant j'ai lu ça que j'ai trouvé beau sans même être sûr que ça ring a bell :

 
Ce soir, si le vice-consul a beaucoup questionné le directeur du Cercle sur Anne-Marie Stretter, il n'a pas beaucoup parlé. Le directeur attend qu'il le fasse chaque soir. Voici, il le fait.
Le vice-consul demande :
- Est-ce que vous croyez qu'il est nécessaire de donner un coup de pouce aux circonstances pour que l'amour soit vécu ?
Le directeur ne comprend pas ce que veut dire le vice-consul.
- Est-ce que vous croyez qu'il faut aller au secours de l'amour pour qu'il se déclare, pour qu'on se retrouve un beau matin avec le sentiment d'aimer ?
Le directeur ne comprend pas encore.
- On prend quelque chose, poursuit le vice-consul, on le pose en principe devant soi et on lui donne son amour. Une femme serait la chose la plus simple.
Le directeur demande au vice-consul s'il éprouve de l'amour pour une femme de Calcutta. Le vice-consul ne répond pas à cette question.
Une femme serait la chose la plus simple, reprend le vice-consul. C'est une chose que je viens de découvrir. Je n'ai jamais éprouvé d'amour, vous ai-je raconté ?
Pas encore. Le directeur bâille, mais peu importe au vice-consul.
- Je suis vierge, poursuit le vice-consul.
Le directeur sort de l'assoupissement alcoolique et regarde le vice-consul.
- Je me suis efforcé d'aimer à plusieurs reprises des personnes différentes, mais je ne suis jamais parvenu au bout de mon effort. Je n'ai jamais été hors de l'effort d'aimer, vous comprenez, directeur ?
Le directeur croit ne pas comprendre ce que veut dire le vice-consul. Il dit : Je vous écoute. Il est prêt.
- Je suis sorti de cet effort, poursuit le vice-consul. Depuis quelques semaines.
Le vice-consul se tourne vers le directeur du Cercle. Il se montre du doigt.
- Regardez mon visage, dit-il.
Le directeur détourne le regard. Le vice-consul replace son visage dans la direction du Gange.
- Faute d'aimer j'ai cherché à m'aimer mais je n'y suis pas parvenu. Pourtant je me suis préféré jusqu'à ces temps-ci.
- Vous ne savez peut-être pas ce que vous dites ?
 
 
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9 janvier 2010 6 09 /01 /janvier /2010 01:09
 
 
Je venais d'approcher, j'étais maintenant à côté de lui, tout près. Je sentais cette odeur, ce mélange de savon, de propreté trop vive qui avait dû arracher la peau et les squames. Et cette odeur indéfinissable des gens sales, cette persistance de saleté, âcre et aigre, ce relent douceâtre d'urine.
Et j'ai vu les doigts tremblants de Solange, lorsqu'ils ont saisi la broche. Elle s'est retournée pour poser la boîte sur la nappe. Elle a retiré sa broche en forme de laurier, puis encore une fois elle a regardé la broche. Longtemps. Puis alternativement en regardant son frère. Puis autour d'elle, partant d'un rire un peu idiot, gloussant presque pour se cacher à elle-même qu'elle était en train de rougir, de s'étrangler aussi, un peu, d'étrangler les mots et la stupeur qu'ils recouvraient. Elle a épinglé la broche à la place de la précédente. Elle est restée comme ça, il faut que je t'embrasse, et puis elle a tendu le visage vers son frère, et ils se sont embrassés.
Elle te plaît alors. Est-ce qu'elle te plaît ?
Oui, bien sûr qu'elle me plaît.
Solange a répondu d'une voix hâchée, son débit de plus en plus faux, sans conviction, comme si pour elle le souci était d'abord d'en finir au plus vite, que chacun reparte, que Feu-de-Bois s'en aille, qu'il ne soit jamais venu, qu'elle n'ait plus à vivre ce moment-là ni le mensonge de ce
bien sûr auquel elle ne croyait pas, elle, pas plus que les autres, nous tous autour d'elle comme on aurait pu se réunir autour d'un feu non pour trouver la chaleur et la lumière mais seulement attirés par le crépitement d'un petit drame, une histoire à raconter, l'anecdote du type fauché qui offre à sa soeur, au vu de tous ceux qui lui auront fait l'aumône une fois, une broche qu'aucun d'eux n'aura jamais les moyens d'offrir à personne.
Et les yeux de Solange qui ont cherché autour d'elle un secours qui n'est pas venu, chacun tout à coup découvrant dans ses mains une cigarette à allumer ou à écraser, un verre à demi-vide à remplir tout de suite, à moins que ce ne soit le contraire, à vider très vite, d'un trait.
Parce que Solange a continué, un peu. Les larmes ne l'étouffant pas encore mais seulement un embarras terrible, monstrueux, qui gonflait dans sa gorge comme maintenant, dans le regard, l'incompréhension. Et lui qui s'était mis à rire, oui, au début, un rire, les mains qui ont glissé dans ses poches et puis l'une qui est revenue caresser les moustaches comme pour les coiffer, les plaquer contre la bouche avant que la main plonge dans la poche arrière puis ressorte avec un paquet de Gitanes. Et cet air timide qu'il a eu pour répondre à sa soeur avant même qu'elle parle,
T'occupe pas de ça.
Bernard. C'est une fortune.
T'occupe pas de ça, je te dis.
Comment t'as payé ?
Elle te plaît ?
C'est pas la question.
C'est quoi la question ?

 
Extrait de Des hommes de Laurent Mauvignier, le genre de bouquins dont on se demande comment on a pu les laisser trainer sur l'étagère si longtemps alors que là maintenant on ne peut s'en détacher, même en marchant dans la rue dans la nuit à peine éclairée par les réverbères, le genre dont il est même incongru et presque malpoli de tirer un passage.

 
 
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9 février 2008 6 09 /02 /février /2008 18:54
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  • Hier dans le métro, mon volubile voisin de banquette lançait à son pote un savoureux :
  •  
  • - T'vois, c'te fille, déjà elle est teubé mais en plus elle a trop les yeux globuleux, comme un poisson pané !
  •  
  • juste quand je lisais l'équivalent balzacien dans Modeste Mignon :
  •   
  • Madame Latournelle, fille du greffier du tribunal de première instance, se trouve suffisamment autorisée par sa naissance à se dire issue d'une famille parlementaire. Cette prétention indique déjà pourquoi cette femme, un peu trop couperosée, tâche de se donner la majesté du tribunal dont les jugements sont griffonnés par monsieur son père. Elle prend du tabac, se tient roide comme un pieu, se pose en femme considérable, et ressemble parfaitement à une momie à laquelle le galvanisme aurait rendu la vie pour un instant. Elle essaye de donner des tons aristocratiques à sa voix aigre ; mais elle n'y réussit pas plus qu'à couvrir son défaut d'instruction. Son utilité sociale semble incontestable à voir les bonnets armés de fleurs qu'elle porte, les tours tapés sur ses tempes, et les robes qu'elle choisit. Où les marchands placeraient-ils ces produits, s'il n'existait pas des madame Latournelle ? Tous les ridicules de cette digne femme, essentiellement charitable et pieuse, eussent peut-être passé presque inaperçus ; mais la nature, qui plaisante parfois en lâchant de ces créations falottes, l'a douée d'une taille de tambour-major, afin de mettre en lumière les inventions de cet esprit provincial. Elle n'est jamais sortie du Havre, elle croit en l'infaillibilité du Havre, elle achète tout au Havre, elle s'y fait habiller ; elle se dit Normande jusqu'au bout des ongles, elle vénère son père et adore son mari. Le petit Latournelle eut la hardiesse d'épouser cette fille arrivée à l'âge anti-matrimonial de trente-trois ans, et sut en avoir un fils. Comme il eut obtenu partout ailleurs les soixante mille francs de dot donnés par le greffier, on attribua son intrépidité peu commune au désir d'éviter l'invasion du Minotaure, de laquelle ses moyens personnels l'eussent difficilement garanti, s'il avait eu l'imprudence de mettre le feu chez lui, en y mettant une jeune et jolie femme. Le notaire avait tout bonnement reconnu les grandes qualités de mademoiselle Agnès (elle se nommait Agnès), et remarqué combien la beauté d'une femme passe promptement pour un mari. Quant à ce jeune homme insignifiant, à qui le greffer imposa son nom normand sur les fonts, madame Latournelle est encore si surprise d'être devenue mère, à trente-cinq ans sept mois, qu'elle se retrouverait des mamelles et du lait pour lui, s'il le fallait, seule hyperbole qui puisse peindre sa folle maternité. 
  • - Comme il est beau, mon fils !... disait-elle à sa petite amie Modeste en le lui montrant, sans aucune arrière-pensée, quand elles allaient à la messe et que son bel Exupère marchait en avant. 
  • - Il vous ressemble, répondait Modeste Mignon comme elle eût dit : Quel vilain temps !
  •    
  •  L'esprit français demeure.
  • (hum)
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17 décembre 2007 1 17 /12 /décembre /2007 12:04
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  • Ultimo s'appelait ainsi parce qu'il avait été le premier enfant.
  • - Et le dernier, avait aussitôt précisé sa mère, dès qu'elle eut repris ses sens après l'accouchement.
    Il fut donc Ultimo, le dernier.
  • Au début, il n'avait pas l'air de l'entendre ainsi. Durant les quatre premières années de sa vie, il se coltina toutes les maladies possibles. Il fut baptisé trois fois : le curé n'arrivait pas à donner l'extrême-onction à une aussi petite chose, avec des yeux pareils : si bien qu'il optait chaque fois pour le baptême, histoire de ne pas repartir sans avoir administré.
  • - Pourra pas lui faire de mal.
  • Et de fait, Ultimo en sortit toujours vivant : petit, sec, blanc comme un linge, mais vivant. Il a le coeur solide, disait son père. Il a du bol, disait sa mère.
  • C'est donc vivant qu'à l'âge de sept ans et quatre mois, en novembre 1904, son père l'emmena dans l'étable, lui désigna les vingt-six Fassones du Piémont qui étaient toute sa richesse, et l'informa qu'il ne fallait pas encore en parler à sa maman, mais qu'ils allaient s'en débarasser, une fois pour toutes, de cette montagne de merde.
  • Il fit un grand geste, plutôt solennel, qui embrassait la pièce toute entière, sombre et nauséabonde. Puis, très lentement, il scanda :
  • - Garage Libero Parri.
    Libero Parri, c'était son nom. Garage, c'était un mot français qu'Ultimo n'avait jamais entendu jusque-là. Sur le moment il pensa que ça devait vouloir dire quelque chose comme "élevage" ou à la rigueur "laiterie". Mais la nouveaut", il ne la voyait pas.
  • - On réparera les automobiles, expliqua son père, lapidaire.
  • Ca, en effet, c'était une nouveauté.
  •  
  • - Elles n'existent pas encore, les automobiles, fit remarquer sa mère, quant elle finit par être informée de la chose, un soir au lit, toutes lumières éteintes.
  • - C'est une question de mois et elles existeront, décréta Libero Parri, son mari, en glissant la main sous sa chemise de nuit.
  • - Il y a le petit.
  • - Pas de problème, il y aura du travail pour lui aussi, il apprendra.
  • - Il y a le petit, enlève ta main.
  • - Ah, dit Libero Parri en se rappelant que l'hiver ils dormaient tous dans la même pièce, pour économiser le chauffage.
  • Ils restèrent un moment comme ça, la discussion en pause. Puis ils repartit à la charge.
  • - J'en ai parlé avec Ultimo. Il est d'accord.
  • - Ultimo ?
  • - Oui.
  • - Ultimo est un enfant, il a sept ans, il pèse vingt et un kilo et il a de l'asthme.
  • - Quel rapport, il est spécial, cet enfant.
  • Dans la famille, on pensait que c'était un enfant spécial. A cause de toutes ces maladies, et d'autres histoires difficiles à expliquer.
  • - Tu ne pourrais pas en parler avec le Tarin, plutôt ?
  • - Il comprendrait pas. Il est comme les autres, il ne pense qu'à la terre, la terre et les bêtes, il me dirait que je suis fou.
  • - Il aurait peut-être raison.
  • - Non, il n'aurait pas raison.
  • - Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
  • - Il est de Trezzate.
  • Dans le coin, c'était un argument imparable.
  • - Alors parles-en au curé.
  • Si Libera Parri n'était pas athée, ni socialiste, c'était par manque de temps. Il s'agissait de trouver une ou deux heures pour s'informer un peu, et il le deviendrait. En attendant, il détestait les curés.
  • - D'autres conseils ? demanda-t-il.
  • - Je plaisantais.
  • - Non, tu ne plaisantais pas.
  • - Je te jure que je plaisantais -, et elle allongea la main vers le pantalon de son mari. C'était quelque chose qu'elle aimait bien.
  • - Le petit, marmonna Libero Parri.
  • - Fais comme si de rien n'était, suggéra-t-elle.
  •  
  • Elle s'appelait Florence. Son père était un Français qui avait tourné pendant des années dans toute l'Italie en vendant une chaussure de son invention. En fait, c'était une chaussure normale mais à laquelle on pouvait ajouter, si besoin était, un talon. Tu pouvais le mettre et l'enlever grâce à un systèmes très commode de tendeurs. L'avantage c'était qu'avec une seule paire de chaussures tu en avais deux, une pour le travail et une pour le soir. Des inconvénients, selon lui, il n'y en avait pas. Un jour il était allé à Florence, et il en était resté comme envoûté. C'est pourquoi il avait donné ce prénom-là à sa première fille. A Rome aussi, d'ailleurs, il avait pris du bon temps : si bien que son fils aîné il l'avait appelé Roméo. Du coup il avait viré shakespearien et depuis lors ce n'étaient plus que des Juliette, Richard et autres noms du même acabit.
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19 août 2007 7 19 /08 /août /2007 13:21
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  • Avant qu'on ne se séparât, le Supérieur de la maison s'avança devant l'autel. Lui aussi il savait les désarrois de là-haut, l'acceptation pleine de protestations douloureuses, tous les départs sans adieux...
  • Il parla. Et quand il dit la Fête de ce jour, et que tous ces corps ressuciteraient, comme dit Saint Augustin, "parce qu'ils étaient beaux", renaîtraient tels que ceux qui étaient là les voyaient hier, dans ces jardins, dans ces cours, sous ces porches, lorsqu'ils pressaient dans leurs bras leur jeunesse, alors en bas, au fond de la chapelle, les femmes se mirent à palpiter et à pleurer. Elles palpitaient, et pleuraient, et mouraient, et vivaient. Elles revoyaient les sourires, les taches de rousseur, les petits gestes qu'ils avaient pris d'elles et qui allaient vivre pour l'éternité (tout cela, tout cela, elles qui n'espéraient que dans leurs souvenirs). Elles ne prenaient pas garde que celui qui parlait, à mesure qu'il parlait son corps disparaissait, on ne voyait plus que son front et les étincelles qui sortaient de sa bouche : tous étaient tournés vers les triomphateurs de la mort, qui brûlaient comme sur un bûcher. Eux aussi voyaient justifiés par cette parole bien de faibles instants de leur vie. Leur croyance n'était plus le blême instinct qui fonctionne sous les obus, l'aveugle besoin de s'accrocher à n'importe quelle protection mystérieuse, c'était la certitude attestée par un gonflement du coeur, et chacun, saluant le risque d'être dupe, se perdait dans la Vie meilleure avec un consentement enivré.
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    (Henry de Montherlant, La relève du matin - Pâques de guerre au collège)
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