On croit avoir tout vu de Vegas et on soudain on découvre dans un coin du Treasure Island (où on doit trouver plus de blénos que de trésors) la salle dévolue aux courses de lévriers : une centaine de messieurs chauves, chacun assis à son pupitre à écran télé intégré, demeurent hypnotisés par ces anoréxiques quadripèdes assez cons pour s'époumoner à courir derrière une poupée de lièvre, tandis que des filles agées d'au plus 16 ans et habillées en au plus 9 ans (rayon maillots de bains) promènent autour d'eux leurs seins tous neufs et d'incroyables cocktails bleus et roses dans l'indifférence générale.

Je n'ai que les soucis des gens qui n'en ont pas vraiment, le principal étant qu'à mon âge on se cherche un dessein et qu'évidemment on ne saurait en trouver, cet âge où les enfants ont déjà moins besoin de toi que toi d'eux, où le principal challenge professionnel consiste à se lever avant le soleil, où on commence à savoir appréhender ses amours, cet âge où on se dit qu'il faudrait peut-être faire encore quelque chose en plus, donc j'en suis là et ne t'étonnes pas si dans six mois je suis champion communal de ping-pong, tête de liste divers gauche ou candidat à Motus - mon ambition ne souffre aucune limite

se vexeraient sans doute en constatant que mon nombre de visiteurs augmente alors que je n'écris plus rien ici.

Mais pas moi.

Enfin, un peu, mais pas trop.

Je sais bien le pouvoir d'attraction du silence.

Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, j'ai sommeil et faim tout ensemble, j'ai toujours faim à l'étranger, je ne crois même pas que c'est lié à une angoisse quelconque, San Francisco ne m'a jamais angoissé, c'est juste un bête déséquilibre spatio-temporel, comme si je croyais pour de vrai qu'en continuant de voler vers l'ouest on pourrait prolonger un jour sans fin, alors une fois au sol j'ai peut-être l'impression qu'il faut rattraper ce temps suspendu, j'écoute le journal de 22h de France Cul, j'aime bien le contraste entre le phrasé français chichiteux et les sirènes de police au-dehors, et tu sais, à l'immigration on ne te fait plus remplir le papier vert qui te demandait si tu venais aux Etats-Unis exprès pour tuer le président (Oui/Non), si tu avais été un haut dignitaire nazi (Oui/Non) ou si tu transportais une grosse bombe dans ton Eastpack (Oui/Non), je regrette ce moment de poésie bureaucratique, oh je me suis trompé de valise aussi, même modèle même couleur, heureusement que pris d'un doute je l'ai quand même ouverte pour vérifier, elle était pleine de strings roses (deux sont tombés par terre sous les regards interloqués de la foule) et de paquets de Dunhill et moi, je fume pas de Dunhill.

ça fait longtemps que ça dure.

T'étonne pas si un soir, en zappant nuitamment dans les profondeurs du câble, tu tombes sur bibi distribuant ses augures surtaxés à l'antenne, avec en fond d'écran des étoiles scintillantes et un poster d'Evelyne Dhéliat.

T'as qu'à voir, samedi, au fin fond du Trégor, j'ai repris deux fois des moules alors que Georges Frêche, le Jabba Hutt septimanien, était encore chaud comme un gras-double.

Coincidence ? I don't think so.

Sinon j'ai sorti un chouette lapsus à ma chère et tendre, tandis que nous devisions de nos angoisses en mangeant de la viande crue (la lune était pleine, ceci expliquant cela), ça donnait :

on voudrait tous que tout le monde nous m'aime

(je ne sais qu'en penser)